Depuis le début de l’année 2025, la commune de Thonon-les-Bains, située en Haute-Savoie, expérimente un dispositif de vidéosurveillance d’un nouveau genre. Contrairement aux caméras traditionnelles passives, ce système intègre des algorithmes d’intelligence artificielle capables d’analyser les flux vidéo en temps réel et de signaler automatiquement des comportements jugés anormaux. Un virage technologique discret mais significatif, qui soulève autant d’espoirs que de questionnements.
📍 Une technologie d’analyse comportementale en milieu urbain Installées aux abords des établissements scolaires, des bâtiments publics et des zones sensibles, les caméras déployées à Thonon sont presque invisibles à l’œil nu. Leur singularité ne réside pas dans leur apparence, mais dans leur capacité d’analyse automatisée. Grâce à un logiciel de traitement d’image basé sur des modèles d’IA, ces caméras peuvent détecter en quelques secondes des comportements spécifiques : une présence inhabituelle autour d’un bâtiment, une tentative d’effraction, un attroupement soudain, un dépôt illégal de déchets ou encore des objets potentiellement abandonnés. « Ce qui prenait plusieurs heures d’analyse peut aujourd’hui être traité en temps réel », explique Djamel Keriche, responsable de la sécurité publique de la commune. Il donne l’exemple d’un scénario simulé : un individu suspect rôde autour d’une crèche, puis tente de pénétrer par une fenêtre. L’algorithme le signale immédiatement et déclenche une alerte auprès des forces de l’ordre.
⚙️ Des fonctionnalités avancées, mais encadrées Au-delà de la détection d’anomalies, le logiciel permet également des recherches ciblées. Il est ainsi possible d’interroger l’historique vidéo pour retrouver un véhicule de couleur spécifique ou suivre un itinéraire suspect, sans avoir à visionner manuellement des heures de séquences. Cependant, des limites strictes ont été imposées par le cadre légal : ces systèmes ne doivent en aucun cas recourir à la reconnaissance faciale ni à la lecture automatisée des plaques d’immatriculation. L’expérimentation en cours à Thonon-les-Bains est autorisée jusqu’en mars 2027, sous contrôle des autorités administratives et de la CNIL.
🏟️ Retour d’expérience des Jeux Olympiques 2024 : un bilan contrasté Avant d’être testée à Thonon, cette technologie a été mise en œuvre à grande échelle à Paris, à l’occasion des Jeux Olympiques 2024. Plus de 800 caméras dites « augmentées » avaient été installées pour surveiller les abords des stades, les transports en commun et les lieux festifs. Pourtant, selon un rapport parlementaire publié en mars 2025, les résultats obtenus restent mitigés. Si la sécurité globale de l’événement a été saluée, les performances spécifiques de la vidéosurveillance algorithmique n’auraient pas été décisives. « Le véritable facteur de réussite, c’est l’humain », souligne le député Stéphane Peu, en évoquant la coordination sur le terrain, la forte présence policière et une posture bienveillante envers le public. En pratique, les caméras intelligentes n’auraient pas permis d’identifier certains scénarios pourtant prévus, comme la détection d’armes ou de colis suspects. L’un des rares cas d’usage concluant rapporté est l’identification d’un promeneur égaré en forêt. Sur les huit scénarios de détection définis par la réglementation, seuls trois à quatre ont fonctionné de manière fiable, principalement pour les mouvements de foule et les intrusions non autorisées. ⚖️ Surveillance intelligente : entre progrès technologique et vigilance démocratique Si cette technologie de vidéosurveillance intelligente suscite de l’intérêt pour sa réactivité, elle n’est pas exempte de controverses éthiques et juridiques. Les données collectées ne sont pas personnelles, mais leur utilisation relève d’un dispositif de surveillance automatisée, qui pourrait engendrer des biais algorithmiques, voire des dérives sécuritaires. Comment les caméras IA changent-elles le paysage de la surveillance publique ?
Les caméras IA changent considérablement la surveillance publique en offrant des solutions de surveillance plus intelligentes. Elles peuvent reconnaître des motifs, détecter des anomalies et offrir des insights prédictifs, contribuant à des espaces publics plus sûrs. Cependant, cela soulève des préoccupations en matière de confidentialité, car les caméras IA peuvent suivre des individus et analyser des comportements. L’équilibre entre les avantages de la sécurité et les droits à la vie privée est une considération clé dans l’utilisation croissante des caméras IA dans la surveillance publique. Des associations de défense des libertés numériques appellent déjà à une transparence accrue dans le déploiement de ces outils, et à un encadrement renforcé. La frontière entre prévention et intrusion dans la vie privée reste mince, et mérite une attention constante.
✅ En conclusion L’expérimentation de l’intelligence artificielle appliquée à la vidéosurveillance marque une étape significative dans la modernisation des politiques de sécurité urbaine. À Thonon-les-Bains comme ailleurs, elle reflète un enjeu central : tirer parti des technologies émergentes sans renoncer aux principes démocratiques fondamentaux. Si l’outil est prometteur, son efficacité réelle reste à démontrer. Et surtout, sa généralisation devra s’accompagner d’un contrôle rigoureux, d’une évaluation transparente et d’un débat citoyen éclairé.